La réglementation thermique 2012, ou RT 2012, marque un tournant décisif dans la conception et la construction de bâtiments en France. Cette norme, entrée en vigueur le 1er janvier 2013, vise à réduire drastiquement la consommation énergétique des nouvelles constructions. Son objectif principal est de limiter la consommation d'énergie primaire des bâtiments neufs à un maximum de 50 kWhep/m²/an en moyenne. Cela représente une réduction significative par rapport aux normes précédentes et place la France parmi les pays les plus exigeants en matière de performance énergétique des bâtiments.

Fondements et objectifs de la RT 2012

La RT 2012 s'inscrit dans une démarche globale de lutte contre le changement climatique et de réduction de la dépendance énergétique. Elle vise à améliorer le confort des occupants tout en diminuant les factures énergétiques. Cette réglementation s'applique à tous les bâtiments neufs, qu'ils soient résidentiels ou tertiaires, et impose des exigences de résultats plutôt que de moyens.

L'un des principes fondamentaux de la RT 2012 est de promouvoir une conception bioclimatique des bâtiments. Cela signifie que l'architecture doit être pensée en fonction de l'environnement, du climat local et de l'orientation du bâtiment pour maximiser les apports solaires gratuits en hiver et minimiser les surchauffes en été.

La RT 2012 s'articule autour de trois exigences de résultats principales, chacune ayant un impact significatif sur la manière dont les bâtiments sont conçus et construits. Ces exigences sont évaluées à travers des coefficients spécifiques que nous allons détailler dans les sections suivantes.

Exigences techniques de la RT 2012

Pour atteindre ses objectifs ambitieux, la RT 2012 impose des exigences techniques strictes qui couvrent plusieurs aspects de la performance énergétique des bâtiments. Ces exigences sont quantifiées à travers trois coefficients principaux : le Bbio, le Cep et le Tic.

Bbio : besoin bioclimatique conventionnel

Le coefficient Bbio, ou besoin bioclimatique conventionnel, est un indicateur qui évalue la qualité de conception et d'isolation du bâtiment. Il prend en compte les besoins de chauffage, de refroidissement et d'éclairage, indépendamment des systèmes énergétiques mis en place. L'objectif est d'encourager une conception architecturale qui minimise ces besoins.

Pour optimiser le Bbio, les concepteurs doivent porter une attention particulière à :

  • L'orientation du bâtiment pour maximiser les apports solaires en hiver
  • La compacité du bâtiment pour réduire les surfaces de déperdition
  • L'isolation thermique performante de l'enveloppe
  • La gestion des apports lumineux naturels

Le Bbio du projet doit être inférieur à une valeur maximale, le Bbiomax, qui varie selon la localisation géographique, l'altitude et la surface du bâtiment.

Cep : consommation d'énergie primaire

Le coefficient Cep représente la consommation conventionnelle d'énergie primaire du bâtiment. Il prend en compte cinq usages : le chauffage, le refroidissement, l'éclairage, la production d'eau chaude sanitaire et les auxiliaires (ventilateurs, pompes). La RT 2012 fixe un plafond de 50 kWhep/m²/an en moyenne, modulé selon divers facteurs.

Pour atteindre cet objectif ambitieux, il est nécessaire de :

  • Mettre en place des systèmes de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire très performants
  • Utiliser des équipements d'éclairage à basse consommation
  • Privilégier les énergies renouvelables lorsque c'est possible
  • Optimiser la ventilation pour limiter les déperditions thermiques

Le Cep est un indicateur clé de la performance énergétique globale du bâtiment et son respect est crucial pour obtenir la conformité à la RT 2012.

Tic : température intérieure conventionnelle

Le Tic, ou température intérieure conventionnelle, est un indicateur du confort d'été dans les bâtiments non climatisés. Il vise à garantir un niveau de confort acceptable pendant les périodes de chaleur sans recourir à la climatisation.

Pour respecter l'exigence Tic, les concepteurs doivent mettre en œuvre des stratégies passives telles que :

  • La protection solaire des baies vitrées
  • L'inertie thermique des matériaux de construction
  • La ventilation naturelle nocturne
  • L'utilisation de la végétation pour créer de l'ombre et rafraîchir l'air

Le Tic du projet ne doit pas dépasser une valeur de référence calculée pour le bâtiment, assurant ainsi un confort estival sans recours systématique à la climatisation.

Étanchéité à l'air et isolation thermique

L'étanchéité à l'air est un aspect crucial de la RT 2012. Une bonne étanchéité permet de réduire les infiltrations d'air parasites et donc les déperditions thermiques. La RT 2012 impose des valeurs maximales de perméabilité à l'air :

  • Pour les maisons individuelles : Q4Pa-surf ≤ 0,6 m³/(h.m²)
  • Pour les logements collectifs : Q4Pa-surf ≤ 1,0 m³/(h.m²)

L'isolation thermique joue également un rôle fondamental dans la performance énergétique du bâtiment. La RT 2012 ne fixe pas de valeurs minimales de résistance thermique, mais l'atteinte des objectifs de Bbio et de Cep nécessite généralement une isolation très performante de l'enveloppe.

Système de ventilation et qualité de l'air intérieur

La ventilation est un élément essentiel pour garantir une bonne qualité de l'air intérieur tout en limitant les déperditions thermiques. La RT 2012 impose l'utilisation de systèmes de ventilation performants, tels que la VMC double flux avec récupération de chaleur, qui permet de renouveler l'air tout en récupérant jusqu'à 90% de la chaleur de l'air extrait.

La qualité de l'air intérieur est également prise en compte à travers des exigences sur les matériaux utilisés, qui doivent avoir de faibles émissions de polluants volatils.

Méthodes de calcul et outils de simulation RT 2012

Pour vérifier la conformité d'un projet à la RT 2012, des méthodes de calcul et des outils de simulation spécifiques sont utilisés. Ces outils permettent d'évaluer les performances énergétiques du bâtiment dès la phase de conception.

Logiciels certifiés : ThermExcel, climawin, perrenoud

Plusieurs logiciels certifiés sont disponibles pour réaliser les calculs RT 2012. Parmi les plus utilisés, on trouve :

  • ThermExcel : un outil complet pour les calculs thermiques et réglementaires
  • Climawin : spécialisé dans la simulation thermique dynamique
  • Perrenoud : offrant une suite logicielle pour tous les aspects de la RT 2012

Ces logiciels intègrent la méthode de calcul Th-BCE (Thermique-Bâtiment-Consommation-Energie) définie par le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) et permettent de calculer les coefficients Bbio, Cep et Tic.

Analyse du cycle de vie (ACV) des matériaux

Bien que non directement exigée par la RT 2012, l'analyse du cycle de vie des matériaux devient de plus en plus importante dans la conception des bâtiments performants. L'ACV permet d'évaluer l'impact environnemental global des matériaux, de leur production à leur fin de vie, en passant par leur utilisation dans le bâtiment.

Cette approche est particulièrement pertinente pour choisir des matériaux à faible impact carbone, anticipant ainsi les exigences de la future réglementation environnementale RE 2020.

Modélisation thermique dynamique

La modélisation thermique dynamique est un outil puissant pour optimiser la performance énergétique des bâtiments. Contrairement aux calculs statiques de la RT 2012, elle prend en compte les variations horaires des conditions climatiques et d'usage du bâtiment.

Cette méthode permet notamment :

  • D'optimiser le confort d'été sans climatisation
  • De dimensionner précisément les systèmes de chauffage et de refroidissement
  • D'évaluer l'impact de stratégies passives comme l'inertie thermique

Bien que non obligatoire pour la RT 2012, la modélisation thermique dynamique est souvent utilisée pour les projets complexes ou visant des performances supérieures aux exigences réglementaires.

Impact sur la conception architecturale

La RT 2012 a profondément influencé la manière dont les architectes et les ingénieurs conçoivent les bâtiments. Elle a encouragé une approche plus holistique de la conception, où performance énergétique et qualité architecturale doivent être pensées conjointement.

Bioclimatisme et orientation des bâtiments

Le bioclimatisme est devenu un principe fondamental de la conception architecturale sous la RT 2012. L'orientation du bâtiment est optimisée pour maximiser les apports solaires en hiver et les minimiser en été. Cela se traduit par :

  • Des façades principales orientées au sud pour capter le soleil hivernal
  • Des protections solaires adaptées pour éviter les surchauffes estivales
  • Une répartition réfléchie des pièces en fonction de leur usage et des apports solaires

Cette approche bioclimatique permet non seulement de réduire les besoins énergétiques mais aussi d'améliorer le confort naturel des occupants.

Choix des matériaux et systèmes constructifs

La RT 2012 a également influencé le choix des matériaux et des systèmes constructifs. Les concepteurs privilégient désormais :

  • Des matériaux à forte performance thermique pour l'isolation
  • Des systèmes constructifs limitant les ponts thermiques
  • Des matériaux à forte inertie thermique pour le confort d'été
  • Des revêtements intérieurs à faible émission de polluants volatils

L'enveloppe du bâtiment est conçue comme un système global, où chaque composant contribue à la performance énergétique d'ensemble.

Intégration des énergies renouvelables

La RT 2012 encourage fortement l'intégration des énergies renouvelables dans les projets de construction. Pour les maisons individuelles, l'utilisation d'au moins une source d'énergie renouvelable est obligatoire. Cela peut se traduire par :

  • L'installation de panneaux solaires thermiques pour la production d'eau chaude sanitaire
  • L'utilisation de pompes à chaleur géothermiques ou aérothermiques
  • L'intégration de panneaux photovoltaïques en toiture
  • Le raccordement à un réseau de chaleur alimenté par des énergies renouvelables

Ces systèmes doivent être pensés dès la conception pour une intégration harmonieuse dans l'architecture du bâtiment.

Certification et contrôle de conformité RT 2012

La conformité à la RT 2012 est vérifiée à plusieurs étapes du projet de construction, de la conception à la livraison du bâtiment. Des procédures de certification et de contrôle sont mises en place pour garantir le respect des exigences réglementaires.

Attestation de prise en compte de la RT 2012

Deux attestations de prise en compte de la RT 2012 doivent être fournies :

  1. Au dépôt du permis de construire : cette attestation, basée sur l'étude thermique prévisionnelle, doit démontrer que le projet respecte les exigences de la RT 2012, notamment en termes de Bbio.
  2. À l'achèvement des travaux : cette attestation finale confirme que le bâtiment tel que construit respecte effectivement les exigences de la RT 2012.

Ces attestations doivent être établies par des professionnels qualifiés et sont indispensables pour la validation du projet.

Test d'étanchéité à l'air : méthode de la porte soufflante

Le test d'étanchéité à l'air, réalisé selon la méthode de la porte soufflante, est obligatoire pour tous les bâtiments soumis à la RT 2012. Ce test consiste à :

  1. Installer une porte soufflante étanche sur une ouverture du bâtiment
  2. Mettre le bâtiment en surpression et en dépression
  • Mesurer le débit d'air nécessaire pour maintenir une différence de pression de 50 Pascal
  • Calculer le taux de renouvellement d'air à 50 Pascal (n50) et le débit de fuite à 4 Pascal (Q4Pa-surf)
  • Le résultat du test doit être inférieur aux valeurs maximales fixées par la RT 2012 pour que le bâtiment soit conforme. Ce test permet de détecter et corriger les éventuels défauts d'étanchéité avant la livraison du bâtiment.

    Diagnostic de performance énergétique (DPE)

    Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) est obligatoire pour tous les bâtiments neufs. Il fournit une estimation de la consommation énergétique du bâtiment et de son impact en termes d'émissions de gaz à effet de serre. Le DPE comprend :

    • Une étiquette énergie (de A à G) indiquant la consommation énergétique
    • Une étiquette climat (de A à G) indiquant les émissions de gaz à effet de serre
    • Des recommandations pour améliorer la performance énergétique du bâtiment

    Pour les bâtiments conformes à la RT 2012, le DPE devrait logiquement afficher une étiquette énergie A ou B, témoignant de leur haute performance énergétique.

    Évolution vers la RE 2020 et perspectives futures

    La RT 2012 a marqué une étape importante dans l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments en France. Cependant, les enjeux climatiques et environnementaux nécessitent d'aller encore plus loin. C'est dans cette optique que la Réglementation Environnementale 2020 (RE 2020) a été développée.

    La RE 2020, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, se distingue de la RT 2012 par plusieurs aspects :

    • Elle vise non seulement la performance énergétique mais aussi la réduction de l'impact carbone des bâtiments sur l'ensemble de leur cycle de vie
    • Elle renforce les exigences en matière de confort d'été pour mieux adapter les bâtiments au changement climatique
    • Elle encourage davantage l'utilisation de matériaux biosourcés et le recours aux énergies renouvelables

    La RE 2020 fixe des objectifs ambitieux, notamment :

    • Une consommation d'énergie primaire maximale de 12 kWhep/m²/an pour le chauffage
    • Un seuil d'émissions de gaz à effet de serre sur l'ensemble du cycle de vie du bâtiment
    • Une exigence renforcée sur le confort d'été, avec un nouvel indicateur de confort adapté au changement climatique

    Ces évolutions réglementaires s'inscrivent dans une trajectoire vers des bâtiments à énergie positive et bas carbone. Elles impliquent une transformation profonde des pratiques de conception et de construction, avec un recours accru aux outils de simulation et d'analyse du cycle de vie.

    Les professionnels du bâtiment doivent donc continuer à innover et à se former pour répondre à ces nouveaux défis. L'intégration de compétences en éco-conception, en analyse du cycle de vie et en utilisation de matériaux biosourcés devient cruciale.

    En conclusion, la RT 2012 a posé les bases d'une construction plus respectueuse de l'environnement. La RE 2020 poursuit cette dynamique en élargissant le champ d'action à l'ensemble de l'impact environnemental des bâtiments. Cette évolution réglementaire reflète la prise de conscience croissante des enjeux climatiques et la volonté de transformer le secteur du bâtiment pour qu'il devienne un acteur majeur de la transition écologique.