La norme RE 2020 marque un tournant majeur dans le secteur de la construction en France. Cette réglementation environnementale, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, vise à transformer radicalement les pratiques du bâtiment pour répondre aux défis climatiques actuels. Plus qu'une simple évolution de la RT 2012, la RE 2020 impose des exigences accrues en matière de performance énergétique, d'impact carbone et de confort d'été. Elle incite les professionnels à repenser leurs approches et à adopter des solutions innovantes pour créer des bâtiments plus durables et respectueux de l'environnement.
Fondements de la norme RE 2020 pour la construction durable
La RE 2020 s'appuie sur trois piliers fondamentaux qui visent à transformer en profondeur le secteur de la construction. Premièrement, elle met l'accent sur la sobriété énergétique, en poussant les concepteurs à optimiser l'enveloppe des bâtiments et à privilégier des systèmes énergétiques performants. Deuxièmement, elle introduit pour la première fois une exigence de réduction de l'empreinte carbone des bâtiments sur l'ensemble de leur cycle de vie. Enfin, elle renforce les critères de confort d'été pour anticiper les effets du changement climatique.
Ces fondements se traduisent par des objectifs chiffrés ambitieux que les constructeurs doivent atteindre. Par exemple, la RE 2020 vise une réduction de 30% des consommations d'énergie par rapport à la RT 2012, et une diminution de 30% des émissions de gaz à effet de serre liées à la construction. Ces exigences nécessitent une approche globale et innovante de la conception des bâtiments, intégrant des matériaux biosourcés , des systèmes énergétiques performants et une réflexion poussée sur l'architecture bioclimatique.
Objectifs de performance énergétique et environnementale
La RE 2020 fixe des objectifs précis en termes de performance énergétique et environnementale, qui se déclinent en plusieurs indicateurs clés. Ces indicateurs permettent d'évaluer de manière objective la qualité environnementale des bâtiments et guident les professionnels dans leurs choix de conception.
Seuils de consommation d'énergie primaire (cep)
Le Cep
(Consommation d'énergie primaire) est un indicateur central de la RE 2020. Il mesure la consommation d'énergie du bâtiment pour le chauffage, la climatisation, l'eau chaude sanitaire, l'éclairage et les auxiliaires. La nouvelle réglementation impose des seuils de Cep plus stricts que la RT 2012, avec une réduction moyenne de 30% des consommations. Par exemple, pour une maison individuelle, le Cep maximal est fixé à 75 kWhep/m²/an, contre 50 kWhep/m²/an pour la RT 2012.
Pour atteindre ces objectifs, les concepteurs doivent optimiser l'isolation thermique, privilégier des équipements à haute efficacité énergétique et intégrer des énergies renouvelables. L'utilisation de pompes à chaleur, de chaudières à très haute performance ou de panneaux solaires devient quasi incontournable pour respecter ces nouveaux seuils.
Indicateur carbone EGES : émissions de gaz à effet de serre
L'indicateur EGES (Émissions de Gaz à Effet de Serre) est une innovation majeure de la RE 2020. Il évalue l'impact carbone du bâtiment sur l'ensemble de son cycle de vie, de la construction à la fin de vie, en passant par l'exploitation. La réglementation fixe des seuils maximaux d'émissions, exprimés en kgCO2eq/m², qui varient selon le type de bâtiment.
Pour respecter ces seuils, les constructeurs doivent repenser leurs choix de matériaux et de systèmes constructifs. L'utilisation de matériaux bas carbone , comme le bois ou les matériaux biosourcés, devient un levier important. De même, le recours à des bétons bas carbone ou à des techniques de décarbonation innovantes est encouragé. Ces exigences poussent l'ensemble de la filière à innover et à développer des solutions plus respectueuses de l'environnement.
Confort d'été et indice DIES (degré-heure d'inconfort estival)
Face aux enjeux du changement climatique et à la multiplication des épisodes caniculaires, la RE 2020 introduit un nouvel indicateur : le DIES (Degré-heure d'Inconfort Estival). Cet indice mesure le niveau d'inconfort thermique ressenti par les occupants pendant les périodes chaudes, sans recours à la climatisation.
Pour respecter les exigences de confort d'été, les concepteurs doivent privilégier des solutions passives comme l'orientation optimale du bâtiment, la mise en place de protections solaires efficaces ou l'utilisation de matériaux à forte inertie thermique. L'objectif est de limiter les surchauffes estivales sans avoir recours systématiquement à la climatisation, source de consommation énergétique supplémentaire.
La RE 2020 marque un tournant dans la conception des bâtiments en plaçant le confort d'été au cœur des préoccupations, anticipant ainsi les défis climatiques à venir.
Méthodes de calcul et outils de simulation thermique dynamique
Pour évaluer la conformité des projets aux exigences de la RE 2020, de nouvelles méthodes de calcul et outils de simulation ont été développés. Ces outils permettent aux professionnels d'optimiser leurs conceptions et de vérifier le respect des différents indicateurs réglementaires.
Logiciel ThermACV pour l'analyse du cycle de vie
Le logiciel ThermACV est un outil de référence pour réaliser l'analyse du cycle de vie (ACV) des bâtiments conformément à la RE 2020. Il permet d'évaluer l'impact environnemental global d'un projet, en prenant en compte les émissions de gaz à effet de serre liées aux matériaux, à la construction et à l'exploitation du bâtiment.
ThermACV intègre une base de données environnementales complète et actualisée, permettant aux concepteurs de comparer différentes options de matériaux et de systèmes constructifs. L'utilisation de ce logiciel nécessite une formation spécifique et une compréhension approfondie des principes de l'ACV appliqués au bâtiment.
Moteur de calcul RE2020 et données environnementales INIES
Le moteur de calcul RE2020 est l'outil officiel utilisé pour vérifier la conformité des projets à la nouvelle réglementation. Il s'appuie sur les données environnementales INIES, une base de référence qui regroupe les caractéristiques environnementales et sanitaires des produits de construction.
Les professionnels doivent maîtriser l'utilisation de ce moteur de calcul pour optimiser leurs conceptions et s'assurer du respect des différents seuils réglementaires. La précision et la fiabilité des données saisies sont cruciales pour obtenir des résultats pertinents et conformes à la réalité du projet.
Approche bioclimatique et coefficient bbio
L'approche bioclimatique est au cœur de la RE 2020, avec un renforcement du coefficient Bbio (Besoin bioclimatique). Ce coefficient évalue la qualité de conception du bâtiment indépendamment des systèmes énergétiques, en prenant en compte l'orientation, l'isolation, les apports solaires et la compacité.
Pour optimiser le Bbio, les concepteurs doivent adopter une démarche globale, intégrant dès les premières esquisses les principes de l'architecture bioclimatique. Cela implique de travailler sur l'orientation du bâtiment, la taille et le positionnement des ouvertures, la mise en place de protections solaires adaptées et l'optimisation de l'enveloppe thermique.
L'approche bioclimatique n'est plus une option mais une nécessité pour concevoir des bâtiments performants et respectueux de l'environnement dans le cadre de la RE 2020.
Matériaux et systèmes constructifs conformes RE 2020
La RE 2020 encourage l'utilisation de matériaux et de systèmes constructifs innovants, à faible impact environnemental. Les choix de matériaux et de techniques de construction jouent un rôle crucial dans l'atteinte des objectifs de performance énergétique et de réduction de l'empreinte carbone.
Isolation biosourcée : ouate de cellulose et fibre de bois
Les isolants biosourcés comme la ouate de cellulose et la fibre de bois connaissent un essor important avec la RE 2020. Ces matériaux présentent plusieurs avantages : ils ont un faible impact carbone, offrent d'excellentes performances thermiques et contribuent au confort d'été grâce à leur inertie.
La ouate de cellulose, issue du recyclage de papier, offre une conductivité thermique λ de 0,038 à 0,042 W/(m.K), ce qui en fait un isolant performant. La fibre de bois, avec un λ de 0,038 à 0,050 W/(m.K), allie performance thermique et régulation hygrométrique. Ces matériaux permettent d'atteindre les niveaux d'isolation requis par la RE 2020 tout en réduisant l'empreinte carbone du bâtiment.
Béton bas carbone et techniques de décarbonation
Face aux exigences de réduction de l'empreinte carbone, l'industrie du béton a développé des solutions innovantes. Les bétons bas carbone intègrent des liants alternatifs comme les laitiers de haut-fourneau ou les cendres volantes, permettant de réduire jusqu'à 50% les émissions de CO2 par rapport à un béton traditionnel.
Des techniques de décarbonation plus poussées sont également explorées, comme la carbonatation accélérée du béton ou l'utilisation de granulats recyclés. Ces innovations permettent de concilier les avantages structurels du béton avec les exigences environnementales de la RE 2020.
Systèmes de ventilation double flux à récupération de chaleur
Les systèmes de ventilation double flux à récupération de chaleur sont particulièrement adaptés aux exigences de la RE 2020. Ils permettent de renouveler l'air intérieur tout en limitant les déperditions thermiques, contribuant ainsi à l'atteinte des objectifs de performance énergétique.
Ces systèmes récupèrent jusqu'à 90% de la chaleur de l'air extrait pour préchauffer l'air entrant, réduisant significativement les besoins de chauffage. Ils participent également à l'amélioration de la qualité de l'air intérieur, un aspect important du confort des occupants.
Pompes à chaleur et chaudières à très haute performance
Pour atteindre les seuils de consommation d'énergie primaire fixés par la RE 2020, le recours à des systèmes de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire très performants est incontournable. Les pompes à chaleur, notamment les modèles air/eau ou géothermiques, offrent des coefficients de performance (COP) élevés, souvent supérieurs à 4, ce qui signifie qu'elles produisent 4 kWh de chaleur pour 1 kWh d'électricité consommé.
Les chaudières à très haute performance, qu'elles soient à condensation ou à micro-cogénération, constituent également des solutions intéressantes. Elles atteignent des rendements supérieurs à 100% sur PCI (Pouvoir Calorifique Inférieur), contribuant ainsi à la réduction des consommations énergétiques du bâtiment.
Impacts sur les acteurs de la construction
La mise en place de la RE 2020 a des répercussions importantes sur l'ensemble des acteurs de la construction. Elle nécessite une adaptation des pratiques, une montée en compétences et une collaboration renforcée entre les différents intervenants du projet.
Formation des architectes et bureaux d'études thermiques
Les architectes et les bureaux d'études thermiques sont en première ligne pour intégrer les exigences de la RE 2020 dans la conception des bâtiments. Ils doivent se former aux nouvelles méthodes de calcul, aux outils de simulation et aux principes de l'analyse du cycle de vie. Cette montée en compétences est essentielle pour proposer des solutions innovantes et performantes dès les premières phases de conception.
Des formations spécifiques sont proposées par divers organismes pour maîtriser les logiciels de simulation thermique dynamique, les méthodes d'ACV et les principes de l'architecture bioclimatique. Ces formations permettent aux professionnels d'acquérir les compétences nécessaires pour concevoir des bâtiments conformes à la RE 2020.
Adaptation des process pour les entreprises du bâtiment
Les entreprises du bâtiment doivent adapter leurs process et leurs techniques de construction pour répondre aux exigences de la RE 2020. Cela implique une formation du personnel aux nouvelles techniques de mise en œuvre, notamment pour les matériaux biosourcés ou les systèmes constructifs innovants.
L'accent est mis sur la qualité d'exécution, essentielle pour atteindre les performances visées. Les entreprises doivent renforcer leurs contrôles internes et mettre en place des procédures de suivi de chantier plus rigoureuses. La coordination entre les différents corps de métier devient cruciale pour garantir la performance globale du bâtiment.
Rôle des contrôleurs techniques et attestations RE 2020
Les contrôleurs techniques jouent un rôle clé dans la mise en œuvre de la RE 2020. Ils sont chargés de vérifier la conformité des projets aux exigences réglementaires, à travers des attestations spécifiques à différentes phases du projet.
Ces attestations RE 2020 sont obligatoires et doivent être fournies au dépôt du permis de construire, à l'achèvement
des travaux, et à la livraison du bâtiment. Elles permettent de s'assurer que les performances énergétiques et environnementales prévues sont effectivement atteintes.Le rôle des contrôleurs techniques s'est donc élargi, nécessitant une expertise approfondie des aspects énergétiques et environnementaux. Ils doivent maîtriser les outils de simulation et être capables d'analyser les résultats des calculs RE 2020 pour valider la conformité des projets.
Perspectives d'évolution et futures exigences
La RE 2020 s'inscrit dans une dynamique d'amélioration continue de la performance environnementale des bâtiments. Des évolutions sont déjà prévues pour renforcer progressivement les exigences et accompagner la transition vers des constructions toujours plus durables.
Vers le bâtiment à énergie positive (BEPOS) en 2050
L'objectif à long terme est d'atteindre le standard BEPOS (Bâtiment à Énergie POSitive) pour l'ensemble des constructions neuves d'ici 2050. Un bâtiment BEPOS produit plus d'énergie qu'il n'en consomme sur l'ensemble de son cycle de vie. Cette ambition nécessite une optimisation poussée de l'enveloppe thermique, une intégration massive des énergies renouvelables et une gestion intelligente de l'énergie.
Pour y parvenir, les seuils de performance énergétique de la RE 2020 seront progressivement renforcés. Par exemple, le Cep maximal pourrait être abaissé de 20% tous les 3 ans, poussant les concepteurs à innover constamment dans leurs approches. L'intégration de technologies comme le stockage d'énergie ou les smart grids deviendra cruciale pour atteindre cet objectif.
Intégration progressive du stockage carbone des matériaux
Une évolution majeure attendue est la prise en compte du stockage carbone des matériaux biosourcés dans le calcul de l'empreinte carbone des bâtiments. Actuellement, la RE 2020 ne valorise pas directement cette capacité de stockage, mais des réflexions sont en cours pour l'intégrer dans les futures versions de la réglementation.
Cette évolution pourrait favoriser encore davantage l'utilisation de matériaux comme le bois, la paille ou le chanvre, qui ont la capacité de stocker du CO2 pendant toute la durée de vie du bâtiment. Des coefficients de pondération pourraient être introduits pour refléter ce stockage carbone dans le calcul de l'indicateur EGES.
Convergence avec les labels E+C- et bâtiment biosourcé
La RE 2020 s'inspire déjà en partie des exigences du label E+C- (Énergie Positive et Réduction Carbone) et du label Bâtiment Biosourcé. À l'avenir, on peut s'attendre à une convergence encore plus forte entre ces référentiels volontaires et la réglementation obligatoire.
Le label E+C- pourrait évoluer pour proposer des niveaux de performance encore plus ambitieux que la RE 2020, servant ainsi de laboratoire pour les futures exigences réglementaires. De même, les critères du label Bâtiment Biosourcé pourraient être progressivement intégrés à la RE 2020, renforçant la place des matériaux naturels dans la construction.
L'évolution de la RE 2020 vers des exigences toujours plus élevées traduit l'ambition de la France de devenir un leader mondial de la construction durable, anticipant les enjeux climatiques et environnementaux à venir.