L'assemblée générale est un moment crucial dans la vie d'une copropriété. C'est l'occasion pour les copropriétaires de prendre des décisions importantes concernant la gestion et l'entretien de leur immeuble. Cependant, il arrive parfois que le quorum, c'est-à-dire le nombre minimum de copropriétaires présents ou représentés, ne soit pas atteint. Cette situation peut sembler bloquante, mais elle ne signifie pas pour autant la fin des possibilités d'action. Quelles sont les options qui s'offrent aux copropriétaires et au syndic dans ce cas ? Comment s'assurer que les décisions nécessaires puissent tout de même être prises ?

Cadre juridique du quorum en copropriété

Le quorum en copropriété est régi par la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Cette loi, pierre angulaire du droit de la copropriété en France, définit les règles de fonctionnement des assemblées générales, y compris les conditions de quorum.

Selon l'article 24 de cette loi, les décisions de l'assemblée générale sont prises à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés. Cependant, pour que ces décisions soient valables, il faut qu'un nombre minimum de copropriétaires soit présent ou représenté : c'est ce qu'on appelle le quorum.

Le quorum est fixé à la moitié des voix de tous les copropriétaires. Autrement dit, pour que l'assemblée générale puisse valablement délibérer, il faut que les copropriétaires présents ou représentés détiennent au moins la moitié des tantièmes de la copropriété.

Il est important de noter que le quorum se calcule en tantièmes et non en nombre de copropriétaires. Ainsi, un seul copropriétaire détenant plus de la moitié des tantièmes pourrait théoriquement constituer le quorum à lui seul, bien que cette situation soit rare en pratique.

Procédure de seconde convocation

Lorsque le quorum n'est pas atteint lors de la première assemblée générale, la loi prévoit une procédure de seconde convocation. Cette procédure permet d'organiser une nouvelle assemblée générale qui pourra délibérer sans condition de quorum.

Délais légaux pour la nouvelle assemblée

La loi fixe des délais précis pour l'organisation de cette seconde assemblée. Elle doit être convoquée dans un délai minimum de trois jours après la première assemblée. Ce délai court à compter du lendemain de la première assemblée. Par exemple, si la première assemblée a eu lieu un lundi, la seconde ne pourra pas être convoquée avant le vendredi suivant.

Il n'y a pas de délai maximum fixé par la loi pour cette seconde convocation. Cependant, il est recommandé de ne pas trop tarder afin de ne pas retarder les décisions importantes pour la copropriété. En pratique, la seconde assemblée est souvent organisée dans un délai de deux à trois semaines après la première.

Contenu obligatoire de la convocation (article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965)

La convocation pour cette seconde assemblée doit respecter certaines règles de forme et de contenu. L'article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965 précise ces éléments :

  • La date, l'heure et le lieu de la seconde assemblée
  • L'ordre du jour, qui doit être identique à celui de la première assemblée
  • La mention que l'assemblée se tiendra sans condition de quorum
  • Le rappel des modalités de vote, notamment la possibilité de voter par correspondance
  • Les documents nécessaires à la prise de décision (si ceux-ci n'ont pas déjà été transmis lors de la première convocation)

Il est crucial que tous ces éléments figurent dans la convocation pour garantir sa validité juridique.

Modalités de notification aux copropriétaires

La notification de cette seconde convocation doit se faire selon les mêmes modalités que pour la première assemblée. Généralement, elle est envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre émargement.

Il est important de noter que tous les copropriétaires doivent être convoqués, y compris ceux qui étaient présents ou représentés lors de la première assemblée. En effet, la seconde assemblée est une nouvelle réunion à part entière, et non une simple continuation de la première.

La rigueur dans le respect des modalités de convocation est essentielle. Une convocation irrégulière pourrait entraîner la nullité des décisions prises lors de l'assemblée.

Déroulement de l'assemblée générale sans quorum

Une fois la seconde assemblée convoquée dans les règles, son déroulement présente quelques particularités par rapport à une assemblée générale classique.

Vérification des présences et pouvoirs

Bien que le quorum ne soit plus nécessaire, il est toujours important de vérifier les présences et les pouvoirs au début de l'assemblée. Cette étape permet de déterminer le nombre de voix présentes ou représentées, ce qui sera utile pour le calcul des majorités lors des votes.

Le président de séance, généralement assisté du syndic, procède à cette vérification en cochant les noms des copropriétaires présents sur la feuille de présence. Les pouvoirs (procurations) sont également vérifiés à ce moment-là.

Règles de majorité applicables (article 24 de la loi du 10 juillet 1965)

Lors de cette seconde assemblée, les règles de majorité applicables sont celles prévues par l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965. Cet article stipule que les décisions sont prises à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés.

Concrètement, cela signifie que pour qu'une décision soit adoptée, il faut qu'elle recueille plus de la moitié des voix des copropriétaires présents ou représentés. Les abstentions ne sont pas prises en compte dans ce calcul.

Il est important de noter que cette règle s'applique à toutes les décisions, y compris celles qui auraient normalement nécessité une majorité plus importante (comme la majorité absolue de l'article 25 ou la double majorité de l'article 26) lors d'une assemblée avec quorum.

Limitations des décisions prises

Bien que la seconde assemblée puisse délibérer sans condition de quorum, il existe certaines limitations aux décisions qui peuvent être prises. En effet, la loi prévoit que certaines décisions particulièrement importantes ne peuvent pas être prises lors de cette seconde assemblée.

Par exemple, les décisions concernant la modification du règlement de copropriété ou la suppression du poste de concierge ne peuvent pas être votées lors de cette seconde assemblée. Ces décisions nécessitent en effet une majorité qualifiée qui ne peut être atteinte qu'avec un quorum suffisant.

De plus, il est recommandé de limiter les décisions prises lors de cette seconde assemblée aux sujets les plus urgents ou indispensables au bon fonctionnement de la copropriété. Cela permet d'éviter d'éventuelles contestations ultérieures de la part de copropriétaires absents.

Alternatives à l'assemblée générale classique

Face aux difficultés récurrentes pour atteindre le quorum, des alternatives à l'assemblée générale classique ont été développées, notamment sous l'impulsion de la crise sanitaire liée au COVID-19.

Recours à la visioconférence (ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020)

L'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 a introduit la possibilité de tenir des assemblées générales de copropriété en visioconférence. Cette option, initialement prévue comme une mesure temporaire, a été pérennisée par la loi.

La visioconférence présente plusieurs avantages :

  • Elle facilite la participation des copropriétaires qui ne peuvent pas se déplacer
  • Elle permet de réduire les coûts liés à la location d'une salle
  • Elle offre plus de flexibilité dans l'organisation des assemblées

Cependant, la mise en place d'une assemblée générale en visioconférence nécessite une préparation technique rigoureuse. Le syndic doit s'assurer que tous les copropriétaires ont les moyens techniques de participer et que le système utilisé permet une identification fiable des participants.

Vote par correspondance (article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965)

Le vote par correspondance, prévu par l'article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965, est une autre alternative intéressante. Il permet aux copropriétaires de voter sans être physiquement présents à l'assemblée.

Pour mettre en place le vote par correspondance, le syndic doit envoyer à chaque copropriétaire un formulaire de vote détaillant toutes les résolutions à l'ordre du jour. Le copropriétaire remplit ce formulaire et le renvoie au syndic avant la tenue de l'assemblée.

Cette méthode présente l'avantage de faciliter la participation de tous les copropriétaires, même ceux qui ne peuvent pas se déplacer. Elle peut ainsi contribuer à atteindre plus facilement le quorum.

Consultation écrite des copropriétaires

La consultation écrite des copropriétaires est une procédure exceptionnelle qui peut être mise en place dans certaines situations spécifiques, notamment lorsqu'une décision urgente doit être prise et qu'il n'est pas possible d'organiser une assemblée générale dans les délais.

Cette procédure consiste à envoyer à tous les copropriétaires un document détaillant la ou les décisions à prendre, accompagné d'un formulaire de vote. Les copropriétaires ont alors un délai, généralement de 15 jours, pour renvoyer leur vote.

Il est important de noter que la consultation écrite ne peut pas remplacer systématiquement l'assemblée générale. Son utilisation est limitée à des cas précis, définis par la loi ou le règlement de copropriété.

Conséquences juridiques des décisions prises sans quorum

Les décisions prises lors d'une assemblée générale sans quorum, ou par le biais d'alternatives comme le vote par correspondance, ont des implications juridiques spécifiques qu'il convient de comprendre.

Validité et force exécutoire des résolutions

Les décisions prises lors d'une seconde assemblée générale convoquée sans condition de quorum ont la même validité juridique que celles prises lors d'une assemblée classique. Elles sont donc opposables à tous les copropriétaires, y compris ceux qui étaient absents ou qui ont voté contre.

Ces décisions deviennent exécutoires dès leur adoption, sauf si l'assemblée a décidé d'une date d'application différente. Le syndic est chargé de leur mise en œuvre.

Il est crucial de bien noter toutes les décisions prises dans le procès-verbal de l'assemblée, qui constitue la preuve légale de ces décisions.

Délais et modalités de contestation (article 42 de la loi du 10 juillet 1965)

L'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que les décisions de l'assemblée générale peuvent être contestées par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal de l'assemblée.

La contestation doit se faire par assignation devant le tribunal judiciaire du lieu de situation de l'immeuble. Elle peut porter sur la forme (non-respect des règles de convocation, par exemple) ou sur le fond (décision contraire à la loi ou au règlement de copropriété).

Il est important de noter que le fait d'avoir voté contre une résolution ne dispense pas le copropriétaire de la respecter tant qu'elle n'a pas été annulée par un tribunal.

Jurisprudence sur les assemblées sans quorum (cour de cassation, 3e chambre civile)

La jurisprudence de la Cour de cassation, notamment sa 3e chambre civile, a apporté des précisions importantes sur les assemblées générales sans quorum :

  • La Cour a confirmé que les décisions prises lors d'une seconde assemblée sans quorum sont valables, même si elles auraient normalement nécessité une majorité plus importante
  • Elle a souligné l'importance du respect scrupuleux des délais et modalités de convocation pour la seconde assemblée
  • Elle a rappelé que le droit de contester les décisions de l'assemblée est d'ordre public et ne peut être restreint par le règlement de copropriété

Ces décisions de justice soulignent l'importance d'une gestion rigoureuse des assemblées générales, particulièrement lorsqu'elles se tiennent sans quorum.

En conclusion, bien que l'absence de quorum puisse sembler être un obstacle, elle ne bloque pas totalement le fonctionnement de la copropriété. Les mécanismes de seconde convocation et les alternatives comme le vote par correspondance permettent de prendre les décisions nécessaires. Cependant, il est crucial de respecter scrupuleusement les procédures légales pour garantir la validité des décisions prises. En cas de doute, n'hésitez pas à consulter un professionnel du droit de la copropriété pour vous guider dans ces démarches.